André Baillon : Par fil spécial

Y avait-il des villes, des hommes qui se bousculent, des femmes qui s’envient, des métros dont la bouche a la mauvaise haleine ?
Je passais sur une route. Je pensais : « Elle est ma route.  » J’aurais pu nommer chaque pierre ; je savais dans quel creux le printemps pousserait son premier doigt de verdures, quels fossés le premier gel mettrait d’abord sous verre. J’étais sûr que je reverrais, un matin, la fourmi pour laquelle j’avais détourné ma brouette ― et qui n’avait qu’une antenne et cinq pattes.
Je me disais : « Tout de même, ce coin de mousse où tu te reposes, ce nuage là-haut, cette cloche là-bas qui rêve à Dieu… Laisse les autres, tu es dans le vrai. »
Ouais ! Un jour je quittai cela. Adieu, fourmi ; bonne chance, les poules ; plus de sabots. Un veston, un faux col, la ville, et dans la ville ce que l’on trouve quand on n’est pas riche : « une boîte à mouches ».
André Baillon, Par fil spécial. Carnet d’un Secrétaire de Rédaction,
Rieder, coll. « Prosateurs français contemporains », 1924, pp. 11-12.

 

Ces deux appareils ? Des téléphones. Pour les profanes, le petit est un téléphone privé. Rébarbative, pour nous, c’est une bouche que les patrons allongent jusqu’ici avec des ordres. Le grand est plus sympathique, le cornet en oreille sur les rumeurs du monde. Il arrive que, l’esprit tendu sur notre copie, nous devions planter tout là pour nous entendre demander :
― Allô ! Nous sommes au café. Nous tenons un pari. Voulez-vous nous dire en quelle année, quel mois, un certain M. Pascal a inventé la brouette ?
Dame ! un journal bien informé.

Ibid., p. 40.

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