Robert Desnos : Deuil pour deuil


J’ai pris l’habitude de rire aux éclats des funérailles qui me servent de paysage. J’ai vécu des existences infinies dans des couloirs obscurs, au sein des mines. J’ai livré des combats aux vampires de marbre blanc mais, malgré mes discours astucieux, je fus toujours seul en réalité dans le cabanon capitonné où je m’évertuais à faire naître le feu du choc de ma cervelle dure contre les murs moelleux à souhait de me faire regretter les hanches imaginaires.
Ce que je ne savais pas, je l’ai inventé mieux qu’une Amérique à dix-huit carats, que la croix ou la brouette. Amour ! amour ! je n’emploierai plus pour te décrire les épithètes ronflantes des moteurs d’aviation. Je parlerai de toi avec banalité car le banal me présentera peut-être cette extraordinaire aventure que je prépare depuis l’âge de la parole tendre et dont j’ignore le sexe.

Robert Desnos, extrait de Deuil pour deuil [1924],
in Œuvres, Gallimard, « Quarto », 1999, pp. 193-194.

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