Markiyan Kamysh : La Zone

Qu’est-ce qu’il te faut pour un bon pillage ? Une brouette, ta meilleure copine, ta friend zone. Laisse-la pleurnicher sur ses ex et ne t’aventure pas sous sa jupe. Sois juste ami avec elle et emmène-la partout : tu y gagneras beaucoup plus. Il te suffira de faire le tour des appartements sombres de Pripyat, sans torche, de dévisser les robinets et de les fourrer dans un grand sac. Quand tu auras chargé soixante kilos, jette le tout dans la brouette. Seules ses roues grinceront quand tu la pousseras sur le bitume délité. Pense à l’huiler, sinon on l’entendra depuis le poste de contrôle. Et là, les mecs te pourchasseront jusqu’au pont de la Mort. Tu atteindras une vitesse de bolide, balanceras la brouette dans les buissons, oublieras toutes tes rancœurs et iras te planquer chez Kolya America. Tu picoleras jusqu’au petit matin, fumeras du shit et boufferas du sanglier, tout cela pour te défoncer la gueule et faire une entrée triomphante en scooter à Pripyat. Avant de foncer par les rues désertes comme un dératé et boire au goulot de la Tcherniguiv. Je suis un rebut. Je ne suis qu’un rebut.

Markiyan Kamysh, La Zone,
traduit de l’ukrainien par Natalya Ivanishko,
Arthaud, 2016, p. 95.
[contribution de Jacques Barbaut]

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