Jean Amila : Langes radieux

La petite eut un geste nerveux.
― Ça y est ! Vous voilà reparti à parler comme dans les livres ! Mais Eugène, voyons, Eugène, la vie, ce n’est pas un livre ! Moi, j’ai déjà bonne mine parce que mon père s’est fait tuer pour rien ; alors vous parlez ! Si, en plus de ça, je rapporte l’argent à la Banque… Mais vous vous rendez compte, Eugène ? C’est pire que d’être couronnée rosière, ça ! Je ne m’en remettrai jamais !…
Elle s’échauffait.
― Vous vous rendez compte ? Moi, tenant mon jeune frère par la main, comme vous dites… Et l’argent ? Où il serait, l’argent ? Dans une brouette ?
― Dans le coffre de ma voiture, précisa Long.
Il avait dit cela avec tant de simplicité que la colère d’Adrienne tomba. Un sourire revint sur ses lèvres, mais cette fois plus complexe, plus rusé.
― Vous avez peut-être raison, Eugène, dit-elle.
Jean Amila, Langes radieux,
Gallimard, « Série noire », 1963, p.106.

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